Donner accès aux ordinateurs en vacances ? Oui ! Leur utilisation par les enfants est un apprentissage nécessaire et peut faire naître des projets collaboratifs.
Jouer, découvrir, comprendre, être seul, rêver, se faire des copains, communiquer, apprendre… sont autant de possibilités offertes par l’ordinateur. Si sa présence en centre de vacances ne devrait plus être taboue au 21ème siècle, son utilisation se doit d’être mûrement réfléchie si l’on veut qu’elle reste cohérente avec nos intentions pédagogiques.
Ne sommes nous pas les premiers, nous adultes, à utiliser quotidiennement cette petite boite, que ce soit dans un cadre professionnel ou de loisir ? Et nous voudrions, sous de sombres justifications pseudo-éducatives, en interdire l’utilisation aux enfants ? Il semble plus intéressant au contraire de tirer parti de ces machines qui ont investies notre société pour préparer, du mieux possible, les enfants au lien qui les unira plus tard à cette technologie.
Car un ordinateur, aussi intelligent et développé soit-il, n’est qu’un outil, au même titre qu’une vulgaire paire de ciseaux et n’est donc pas une fin en soi. Il est nécessaire d’avoir une double réflexion, à la fois sur l’accessibilité de l’outil (après tout, il faut bien un jour apprendre à se servir d’une paire de ciseaux) mais aussi sur ce qu’il va nous permettre de faire en accueil collectif de mineurs (une fois que l’on sait couper droit, reste à utiliser cette compétence dans la cadre d’un projet).
Il est fascinant (ou inquiétant, c’est selon) de voir avec quelle facilité des 6/12 ans sont capables de s’approprier clavier et souris. Certains biens sûrs en sont familiers, parce qu’aujourd’hui l’ordinateur est souvent présent au domicile familial ou à l’école. D’autres, au contraire, vont se retrouver en situation d’apprentissage au coté de copains « professeurs ». L’animateur n’a pas forcément besoin d’intervenir, du moins pas dans un premier temps et pour les fonctions de base, tant cela est intuitif pour eux. (Une expérience menée dans des bidonvilles de New Dehli par le Professeur Sugata Mitra a d’ailleurs prouvée que des enfants qui n’avaient jamais vu un ordinateur ou utilisé une connexion Internet étaient capables de se les approprier très vite, sans aucune aide.)
Se pose alors la question de l’accès à cette salle informatique, tant ses attraits peuvent être nombreux pour les enfants et son utilisation chronophage. Il est évident que l’équipe devra se positionner sur cette question et l’expliquer au groupe. Parfois cet outil sera utilisé au sein d’une activité (création d’un court métrage, recherche d’une recette de cuisine), parfois sur des temps informels (jeux, envoie d’un mail à ses parents) ce qui implique des possibilités d’accès différentes. Une salle connectée à Internet ne demandera pas la même présence adulte que des ordinateurs en réseau local. Le nombre limité de machines imposera souvent une rotation des enfants pas toujours très simple. Autant de contraintes qu’il faudra prendre en compte pour profiter du potentiel offert.
Apprendre à un enfant à se servir d’un ordinateur, à ne pas en avoir peur, est déjà une première satisfaction. Organiser des conditions d’accès propices est une seconde étape importante. Les possibilités que leur ouvre alors cette maîtrise sont innombrables dans notre société et désormais incontournables. Mais aussi nombreuses soient-elles, leur intérêt est très variable, leur dangerosité pas toujours nulle, leur légalité parfois discutable, et les valeurs véhiculées souvent contestables.
Et c’est là que la réflexion de l’équipe va prendre toute son importance. Doit-on laisser un enfant jouer à Warcraft ? Que répondre à celui qui demandera d’aller sur Facebook ? Est-ce qu’une utilisation bureautique sera prioritaire sur une utilisation ludique ? Faut-il mettre en place des verrous pour encadrer la navigation d’un enfant sur Internet ? Finalement, devons-nous aller à l’encontre des usages que les enfants font déjà de l’ordinateur, ou au contraire les accepter pour les exploiter ?
Autant de questions auxquelles seule une réflexion pédagogique transversale au séjour permet de répondre. Et encore, faut-il se les poser à plusieurs reprises tant les usages sont parfois difficiles à cerner et évolutifs. Après quelques tâtonnements, il est souvent mis en place une organisation basée sur trois temps d’utilisation différents : les activités, le temps calme et le temps libre.
Pour les activités, c’est assez simple à régler. Lorsqu’un groupe a un projet nécessitant l’utilisation de l’ordinateur, la règle est simple : tout ce qui rentre dans le cadre de ce projet peut être fait, mais pas au-delà. La complexité du positionnement réside plutôt dans les usages permis le reste du temps.
Dans le cas du temps calme, entre la fin du repas et le début des activités de l’après midi, l’accès à la salle est restreint à la poursuite d’un projet entamé, ou à la communication avec les familles. L’objectif est ici de rester cohérent avec les autres possibilités offertes pendant le temps calme afin de ne pas créer un pôle trop attractif (nous ne disposons en général que de 4 ordinateurs maximum) et de privilégier des utilisations qui nous semblent prioritaires mais qui ne peuvent pas forcément être satisfaites pendant le temps libre.
Car pendant le temps libre il est choisi, là encore en cohérence avec notre façon de gérer ce moment sur les autres espaces, de ne faire que poser un cadre. Le cadre est celui des possibles, instauré aux carrefours de la loi (pas question de télécharger illégalement), de la protection des enfants (les sites pour adultes sont des sites pour adultes) et des valeurs défendues (l’installation de jeux collaboratifs est par exemple privilégiée). Mais à l’intérieur de ce cadre, il n’y a pas d’intervention directive, pour encourager ou décourager telle ou telle pratique. L’adulte n’est ici que comme personne ressource ou pour régler d’éventuels conflits.
C’est ainsi qu’en fonction de l’heure, on pourra voir des enfants jouer à plusieurs, se donner des conseils, tchater sur MSN avec les copains restés là-bas, se battre pour avoir de la place, écrire le journal de la colo avec un animateur, enregistrer un morceau de rap, taper « sexe » dans Google, mettre à jour le blog, envoyer un mail à la grande sœur en colo ailleurs...
C’est pour tout ça que cet été encore, il y aura des salles informatiques sur nos séjours.