Face aux difficultés rencontrées par un enfant en colonie de vacances, l'observation collective permet de mieux comprendre son comportement et d'agir en lui apportant du soutien.
La vie en colonie de vacances présente d'inévitables difficultés, petites ou grandes : frustrations, conflits, incompréhensions, coup de cafard... Bien souvent, les soucis rencontrés par les enfants s'effacent d'eux-mêmes
en quelques heures par une simple discussion. Dans d'autres cas, les difficultés perdurent au fil des jours et interrogent alors les animateurs : "Ca fait deux jours de suite que Manon reste seule le matin" ; "Thibaud met un temps fou à se coucher
le soir" ; "Alexis semble triste depuis 3 jours". Si ces situations ne sont pas conflictuelles, elles doivent néanmoins interpeller les adultes pour vérifier que l'enfant vit bien son séjour.
Ce type de constat est généralement évoqué en réunion du soir. Les regards croisés de chacun et les récits d'échanges menés avec l'enfant sont en effet utiles pour cerner la situation et analyser le problème collectivement.
Lorsque la situation paraît compliquée ou que les avis sont divergents, il est utile d'engager alors un travail d'observation de l'enfant. Cette démarche a pour but :
- de relever des éléments objectifs sur le comportement de l'enfant
- de dégager des pistes de remédiation
- d'aider l'enfant à surmonter sa difficulté
Lorsqu'on décide d'observer un enfant pendant une période donnée, des difficultés peuvent apparaître au sein de l'équipe. Les animateurs estiment parfois qu'ils manquent de temps pour mener à bien un tel travail puisqu'ils gèrent continuellement un groupe et ne peuvent donc pas être autant présent pour un enfant. Cependant, l'observation ne demande pas une disponibilité supplémentaire, juste une attention soutenue. Il est possible d'observer un enfant tout en étant le meneur d'une activité en petit groupe. L'équipe doit simplement avoir défini, en amont de la démarche, ce qui doit être observé.
Lors d'un séjour aux petites vacances de février, l'équipe avait rencontré une difficulté avec 3 enfants d'une même chambre qui se disputaient de façon très régulière. Pour autant, ils souhaitaient pratiquer les mêmes activités, ce qui offrait peu de répit dans les conflits ! Les adultes ont alors choisi d'observer les 3 enfants dans les situations suivantes :
- lors des disputes, quels en sont les motifs ?
- quels sont les moments au cours desquels la relation entre les 3 enfants est apaisée ?
- l'un de ces enfants parvient-il à entrer en relation avec le reste du groupe ou à mener une activité seul ?
En balisant le travail d'observation, on permet de focaliser l'attention de l'adulte sur les éléments les plus significatifs. L'ensemble des situations observées sera noté dans un carnet, en indiquant la
date et l'heure, afin d'en garder une trace qui sera exploitée en équipe. Il est intéressant de faire participer l'intégralité de l'équipe à la démarche d'observation, afin de multiplier les regards et donc d'augmenter les
situations observées.
La durée de l'observation est variable et dépend de l'objectif recherché. Dans certains cas, il sera intéressant d'observer un enfant en continu pendant une journée. Dans d'autres cas, l'observation se limitera à des temps
donnés (par ex : le coucher ou les repas) si les difficultés d'un enfant se concentrent dans un court moment de la journée. Parfois, on n'observera que la relation d'un enfant avec un adulte en particulier, si elle est source
de conflit. L'observation peut prendre fin après la remédiation totale ou partielle des difficultés de l'enfant ou en raison de la fin du séjour (auquel cas les observations effectuées pourront être l'objet d'un échange avec
les parents).
Même si la démarche d'observation ne suit pas une rigueur scientifique, elle permet de faire émerger des hypothèses utiles pour comprendre le comportement de l'enfant et y apporter une réponse de l'équipe.
La durée d'un séjour de vacances étant courte, l'observation le sera tout autant. Ce temps contraint nécessite de réunir l'équipe rapidement - après une ou deux journées d'observation - afin d'échanger sur les situations
observées. La réunion du soir est l'instance idéale pour aborder ce sujet collectivement. Chaque animateur fera part de ses observations pendant qu'une autre personne prendra en note les éléments significatifs comme par exemple :
- la récurrence ou l'absence d'un comportement particulier sur un temps donné
- les éléments déclencheurs
- les relations positives/négatives qu'entretient l'enfant avec ses pairs ou un adulte
Ce travail, finalement assez rapide, doit permettre de dégager des constantes et de mieux comprendre le comportement de l'enfant. Cela peut amener l'équipe à porter un regard différent sur l'enfant (ce n'est
plus l'enfant dans sa globalité qui est problématique, ce sont des situations précises qui le mettent en difficulté). Une fois le travail de synthèse terminé, plusieurs attitudes sont envisageables :
- discuter avec l'enfant de ce qui a été observé, afin qu'il exprime ses émotions et se sache soutenu par l'équipe
- engager un échange avec les parents pour valider ou infirmer les hypothèses de l'équipe
- réfléchir en équipe à un aménagement du temps ou du lieu pour diminuer les situations conflictuelles
Dès le début d'un séjour de 10 jours, l'équipe avait constaté que Lucas faisait tout pour retarder le coucher (fuite de la chambre, chahut, allers-retours aux toilettes) : elle avait alors mis en place une démarche d'observation courte, centrée sur ce moment critique de la journée, Lucas ayant du mal à dire de lui-même ce qui n'allait pas. Les observations de deux couchers ont mis en lumière le besoin de Lucas de passer un temps privilégié seul ou avec un adulte avant de dormir, en dehors d'un cadre collectif. L'équipe a donc mis en place un fonctionnement particulier en permettant à Lucas de se coucher après les autres garçons de sa chambre pour répondre à ses besoins.
Plusieurs dangers guettent le travail d'observation et il convient de les expliciter.
L'étiquette de départ. Face aux difficultés récurrentes d'un enfant, la tentation est grande de l'étiqueter hyperactif, insolent, bagarreur... L'observation procède au contraire d'une attitude bienveillante
pour accompagner l'enfant à surmonter ses difficultés et ne s'accorde pas avec les étiquettes données de façon hâtive aux enfants, qui risquent de les rendre prisonniers de cette image tout au long du séjour. Si l'on décide
d'observer un enfant que l'on pense forcément bagarreur, alors l'observation effectueé aura tendance à légitimer ce regard. Il est donc important d'observer sans a priori.
L'interprétation. A ce stade, les observations visent à noter des faits, pas à les analyser. Ce sera l'objet de la seconde étape en grand groupe. Les observations s'attachent donc à des constats, en apportant des éléments de
contexte pour mieux appréhender le comportement de l'enfant, sans faire intervenir de jugement personnel.
Exemple d'une note :
"Pendant le jeu sur le terrain d'herbe, Louison se met à l'écart 5 minutes après le début de la partie. Elle ne parle pas, garde les bras croisés et ne regarde pas le jeu se dérouler. Elle finit par intégrer la partie lorsqu'Emma vient la voir pour savoir ce qui ne va pas."
L'observation n'est pas tenue de se limiter à un seul enfant, elle peut concerner un groupe tout entier. De même, il convient de ne pas la limiter aux situations compliquées. On peut tout fait choisir d'observer un moment
de la journée pour vérifier que tout fonctionne : les enfants dorment-ils vraiment plus quand un lever échelonné est mis en place ? cet espace est-il suffisamment fréquenté par les enfants ? la disposition des jeux de société favorise-t-elle leur utilisation ? le fléchage du centre permet-il aux enfants de
circuler à leur aise ? Ce type d'observation met en lumière les fonctionnements positifs d'une colonie de vacances et peut motiver l'équipe à aller de l'avant dans ses pratiques pédagogiques.